Isamu TAKESHITA, le précieux soutien de maître Ueshiba

Par Nicolas DE ARAUJO

 

 

Isamu Takeshita joua un rôle essentiel dans la diffusion et la promotion de l'Aïki-Budo puis de l'Aïkido. Il fut le premier à démontrer l'art d'O Sensei à l'étranger et fut également le premier Président du Kobukaï. Amiral de la marine impériale Japonaise, il utilisa toute son influence dans les élites militaires et politiques pour faire connaître Morihei Ueshiba et son art martial à ses débuts.

Cette biographie est parue dans le magazine Dragon Spécial Aïkido n°24 d'avril 2019.

 

Jiro Yamamoto est né dans la préfecture de Kagoshima, le 4 Décembre 1869. Descendant du clan Satsuma, une lignée de la caste des bushis pourvoyeuse de nombreux officiers de marine, il est adopté par la famille Takeshita dans sa jeunesse et prend le nom d’Isamu Takeshita (竹下勇).

 

Début dans la marine impériale Japonaise

Isamu entre à l'académie navale impériale japonaise en décembre 1886. Il intègre la quinzième promotion. Elève doué, il en sort diplômé trois années plus tard et se classe troisième sur un effectif de quatre-vingt cadets.

Takeshita s’engage dans la marine impériale Japonaise comme aspirant en 1889. Sa première affectation est la corvette Kongo.

En 1898, Isamu poursuit ses études d’officier, pour une durée d’un an, dans la prestigieuse école navale impériale du Japon.

 

Le traité de Portsmouth

Maîtrisant l’anglais et le français, Takeshita est nommé attaché naval et envoyé à Washington, aux Etats-Unis, en octobre 1902. Il joue un rôle actif dans les négociations arbitrées par le Président Théodore Roosevelt, conduisant au Traité de Portsmouth, mettant fin à la guerre Russo-Japonaise, le 5 septembre 1905.

C’est à cette occasion qu’il devient un ami personnel du président américain, les deux hommes partageant un intérêt commun pour les arts martiaux. En 1904, Isamu lui présente son professeur de Judo Yoshiaki Yamashita, premier dixième dan de l’histoire du Kodokan. Roosevelt devient le premier chef d'État au monde à apprendre le Judo. Pratiquant assidu, il s’entraîne plus de trois fois par semaine et deviens le premier Américain à obtenir la ceinture marron. Par la suite, Roosevelt joue un rôle déterminant dans la nomination de Yamashita comme enseignant de Judo à l’Académie navale des Etats-Unis.

 

Militaire et diplomate de haut rang

Poursuivant sa brillante carrière, Takeshita est désormais un officier de premier plan. Promu chef de la première flotte de cuirassés de la marine impériale en 1912, il a sous son commandement les croiseurs Suma, Kasuga, Izumo, Tsubaka et le cuirassé Shikishima.

Il accède au premier rang d’officier général, major-général un an plus tard.

Promu vice-amiral, Isamu est membre de la mission diplomatique japonaise envoyée aux Etats-Unis en 1917 puis à Paris pour la conférence de Paix de 1919. Diplomate aguerri, ses efforts au cours de cette conférence internationale, organisée par les vainqueurs de la première guerre mondiale, permettent au Japon d’obtenir des possessions, du vaincu Allemand, dans le pacifique.

En récompense, Takeshita est décoré de la médaille de l'ordre du soleil levant (première classe) par le gouvernement Japonais.

A son retour au pays, il est nommé Commandant en Chef de la première flotte, le 1er décembre 1922, puis est promu Amiral l’année suivante.

 

La rencontre avec Morihei Ueshiba

Isamu Takeshita entend parler de Morihei Ueshiba par l’intermédiaire de Seikyo Asano. Cet amiral de la marine Impériale, partisan de la religion Omoto-Kyo, a commencé la pratique avec Maître Ueshiba, à Ayabe, en 1922. Très impressionné par sa maîtrise des techniques de Daito-Ryu Aïki Jujutsu, il le recommande à son collègue de l’école navale

A l’automne 1925, l’amiral Takeshita, se rend donc à Ayabe pour découvrir cet homme au génie martial exceptionnel. Pratiquant et fervent défenseur des arts martiaux, Takeshita est immédiatement séduit par la virtuosité de Morihei Ueshiba.

Dès son retour à Tokyo, il le recommande à son tour auprès du comte Yamamoto Gonnohyoe. Ce dernier est lui aussi membre du clan Satsuma, Amiral à la retraite, il a été Premier ministre du Japon à deux reprises.

L’influence des deux hommes aboutie à une invitation du maître pour une démonstration, devant un parterre de dignitaires politiques et militaires importants, dans la résidence de l’amiral Takeshita.

 

Protecteur et mécène

La démonstration de Morihei Ueshiba est un véritable succès. Le comte Yamamoto, enthousiasmé par sa maestria, lui propose d’enseigner son art aux personnels et aux attachés militaires du palais Aoyama, résidence impériale du prince héritier.

Ueshiba Sensei accepte la proposition. Pendant vingt-deux jours, il dirige un séminaire intensif, où il enseigne notamment à des hauts gradés de Judo et de Kendo. Malheureusement, le maître doit retourner à Ayabe, suite à une plainte déposée auprès du ministère de l’intérieur à son encontre, sur ses connexions avec la secte controversée Omoto-Kyo.

L’amiral Takeshita proteste d’abord contre cet état de fait puis ré-invite Maître Ueshiba à Tokyo quelques mois plus tard. Il joue alors un rôle déterminant en l’introduisant auprès des élites de la société tokyoïte. Takeshita le présente à des magnats des affaires et de la finance, des officiers de la marine de haut rang, des membres de la maison impériale et des associés du clan Satsuma. Ueshiba Sensei est également invité aux réunions de clubs mondains tels que les clubs Kojunsha et Kogyou. Le soutien de l’amiral permet à maître Ueshiba de trouver des sponsors et de vivre pleinement sa vie d’artiste martial. Cependant, le second séjour de Morihei est également interrompu. Ce dernier souffre de troubles digestifs et de problèmes au foie le contraignant à retourner à Ayabe pour se reposer quelques mois.

 

Un pratiquant enthousiaste

En février 1927, Takeshita invite de nouveau Ueshiba qui s’installe, cette fois-ci, de manière permanente dans la capitale.

L'influence de l’amiral, attire de prestigieux disciples. Issus de la noblesse, fonctionnaires, officiers de haut rang de la marine et de l’armée, tous pratiquent assidûment sous la direction d’Ueshiba Sensei.

Son art attire également les filles de ces très bonnes familles, dont la fille de l’Amiral Takeshita. Cette dernière, en utilisant une technique d’Aïki pour se défendre d’un agresseur dans un train, motive de nombreuses autres femmes à s’inscrire.

Retraité de la Marine en novembre 1929, Isamu pratique assidûment l’art d’Ueshiba pendant plusieurs années. Bien qu’étant âgé d’une soixantaine d’années, il est un ardent pratiquant et rencontre même Sokaku Takeda, le maître d’Ueshiba à plusieurs reprises.

Isamu consigne régulièrement ses notes dans des cahiers où il décrit précisément les techniques de Daito-Ryu enseignées par Ueshiba sensei.

 

Création du Kobukan Dojo

Grâce aux efforts de l’Amiral et d'autres sponsors, une collecte de fonds permet l'ouverture d'un authentique dojo, à wakamatsu-cho le quartier commercial de Tokyo, en avril 1931.

Les années trente marquent l’âge d’or du Kobukan Dojo. Isamu Takeshita est régulièrement mis en avant et apparaît souvent aux côtés du fondateur à l’occasion de nombreux événements. Il enseigne parfois l'Aïki Budo à l'académie navale lorsque Maître Ueshiba ne peut se déplacer.

Takeshita participe même, en 1935, à une grande conférence de la nouvelle Nihon Kobubo Shinkokaï (société pour la promotion des arts martiaux traditionnels japonais) en tant que représentant de l’école de Maître Ueshiba.

 

Première démonstration d’Aïki Budo à l’étranger

A la fin de l’été 1935, l’amiral Takeshita effectue son cinquième voyage aux États-Unis avec pour mission d’expliquer au public américain que l’objectif de l’avancée Japonaise en Chine est "d’arrêter l’expansion du communisme".

Isamu fait plusieurs escales à la Nouvelle Orléans, San Francisco, Washington et Seattle. Il profite de son séjour pour présenter publiquement l’art de Morihei Ueshiba. Il effectue plusieurs démonstrations devant des journalistes, d’une méthode de combat efficace qu’il nomme Aïki Budo. Il précise que c’est également une excellente formation pour les hommes politiques et les dirigeants.

 

Dignitaire d’un Japon militariste

Dirigeant influent et respecté, Takeshita se voit confier de prestigieuses fonctions dans un Japon de plus en plus militarisé et nationaliste.

En février 1937, il est nommé à la tête de l’association des scouts Japonais, des éclaireurs des mers et de l’association des jeunes chrétiens (YMCA). On lui propose même de devenir Président de la fédération japonaise d’athlétisme amatrice, mais il décline cette proposition.

En mai 1939, Isamu devient le troisième Président de l’association Japonaise de Sumo professionnel avec pour but de faire de cet art traditionnel un sport national.

 

Premier Président de la Kobukaï

Dans le but de donner une identité légale à l'organisation de Maître Ueshiba, la fondation Kobukaï voit le jour en avril 1940. L’amiral Takeshita en devient naturellement le premier Président. Le général Katsura Hayashi est nommé vice-président. De nombreuses personnalités importantes et influentes composent le comité directeur de la fondation tel que le Marquis Toshinari Maeda. La Kobukaï reçoit l’agrément officiel du gouvernement au printemps, par l'intermédiaire de Tomosue Yoji, fonctionnaire du Ministère de la Santé.

L’influence de l'Amiral conduit Maître Ueshiba à effectuer une démonstration au Saineikan dojo, du palais Impérial, en 1941. Bien que malade, O Sensei effectue une démonstration spectaculaire de son art et impressionne les membres de la famille impériale présents.

 

Dernières années

En avril 1941, Isamu prend la tête de la nouvelle société Japonaise de sabre. Cette organisation est dédiée à la préservation des méthodes traditionnelles de fabrication de katana Japonais.

Le 8 décembre 1941, le Japon déclare la guerre aux Etats-Unis, la Grande Bretagne, les Pays-Bas et l’Australie. L’expansionnisme Japonais entraîne le pays dans une guerre du Pacifique qui dure jusqu’à sa capitulation le 2 septembre 1945.

L’amiral Takeshita occupe le poste de Président de l’association Japonaise de Sumo professionnel durant tout le conflit. Considérant sa mission accomplie, il démissionne à la suite de l’organisation du premier tournoi de sumo d’après-guerre, organisé à Tokyo du 16 au 25 novembre 1945.

Isamu Takeshita s’éteint le 1er juillet 1949, à l’âge de 79 ans. La rue où il résidait, à Shibuya, est rebaptisée Takeshita-dori en son honneur.

 

Legs et place dans l’histoire

Budoka émérite et soutien indéfectible d’O Sensei, Isamu Takeshita est pourtant une personnalité quasiment inconnue des pratiquants d’Aïkido actuels. Tous les récits à son sujet le décrivent comme un homme noble. Kisshomaru Ueshiba, le second Doshu, lui rendit l'hommage suivant au cours d’une interview : « L’amiral Isamu Takeshita a fait des efforts énormes pour assurer le succès de mon père après son arrivée à Tokyo. Sans lui, nous ne pourrions pas parler de développement de l'aïkido à cette époque ».

Les centaines de pages de descriptions détaillées de l’enseignement du Fondateur, rédigées par Takeshita pendant ses premières années à Tokyo, constituent un legs de grande valeur. Pour l’historien, Stanley Pranin : « ses cahiers techniques donnent un aperçu du développement de l’Aïkido à cette époque et apportent la preuve évidente du rapport historique et technique entre l’Aïkido et le Daïto-Ryu ».

 

 

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